Le vélo en libre-service est-il adapté aux petites villes rurales ?

Après avoir transformé le paysage de la mobilité dans les grandes villes, les systèmes de vélos en libre-service (VLS) pourraient-ils conquérir les territoires ruraux ?
L’idée peut sembler contre-intuitive dans ces zones où la voiture reste reine.
Pourtant, entre la nécessité de trouver des alternatives à l’automobile et les nouvelles possibilités offertes par le vélo à assistance électrique (VAE), des solutions adaptées commencent à émerger dans des villes de tailles moyennes, semblant indiquer que le vélo partagé pourrait avoir sa place loin des grands centres urbains.

Le modèle urbain face au mur de la réalité rurale

Transposer tel quel le modèle des VLS urbains à la campagne est une entreprise périlleuse. Les défis sont en effet nombreux, à commencer par la viabilité économique. Avec une densité de population bien plus faible, le nombre d’utilisateurs potentiels par station est considérablement réduit, ce qui complique l’amortissement des coûts d’installation et de maintenance.
La logistique représente un autre obstacle de taille. La dispersion de l’habitat et des services implique des distances plus longues entre les points d’intérêt, rendant la gestion de la flotte – récupération, répartition et entretien des vélos – plus complexe et coûteuse.

Réinventer le service pour répondre aux vrais besoins

Plutôt que de chercher à reproduire un modèle inadapté, le succès du vélo partagé en milieu rural repose sur sa capacité à répondre à des besoins spécifiques, souvent bien différents de ceux des citadins.
La petite taille de la flotte ne permet pas de justifier l’embauche d’un salarié dédié à la maintenance. Il est alors intéressant de faire appel à une personne locale qui gérera la maintenance en plus d’une autre activité (vélociste, agent d’une collectivité territoriale…).
Il faut également trouver des solutions pour diminuer le coût des stations dont le génie civil (raccordement électrique, aménagement…) est un élément majeur. Une solution sans station ou avec des stations sans génie civil est plus adapté à une zone peu dense.
L’emplacement des stations est un point crucial. Pouvoir effectuer des tests en les déplaçant, voire en créant des stations éphémères permet d’optimiser l’emplacement sans engager trop de frais.
Dans les territoires vallonnés ou étendus, le VAE lève les freins liés à la distance et à l’effort physique, rendant le vélo accessible à un public beaucoup plus large, y compris les seniors ou les personnes moins sportives.

Existe-t-il vraiment un potentiel d’utilisation ?

Contrairement aux idées reçues, la moitié des déplacements en zone rurale font moins de 5 kilomètres, une distance tout à fait réalisable à bicyclette. Disposer de vélos en libre-service permet de couvrir ce besoin, sans forcer les utilisateurs à investir.
La plupart des ruraux ont des préjugés sur le vélo, qu’ils pensent inadaptés à leur besoin. Les VLS leur donnent l’occasion d’essayer sans engagement et, généralement, de changer d’avis.
Les VLS permettent également de capter des utilisateurs motivés mais qui ne sont pas encore assez convaincus pour directement acheter leur propre vélo ou qui pensent en avoir une utilisation trop épisodique. La plupart des personnes qui louent occasionnellement un vélo finissent par devenir des utilisateurs réguliers.
Les visiteurs de passage sont un autre levier majeur. Plus enclins à prendre le temps pour découvrir les lieux, ils peuvent augmenter l’utilisation, en complément de celles des habitants.

Le manque d’infrastructures, obstacle au développement du VLS

L’absence de pistes cyclables sécurisées constitue toujours un frein majeur à l’utilisation de vélos. Mais il est difficile de convaincre des élus sans leur montrer qu’il existe une demande. Un service de VLS peut contribuer à prouver que cette demande est bien réelle.

Opérateurs de service

Des acteurs français se positionnent déjà dans la mise en place de services de vélos en libre-service dans des villes moyennes.

Opérateur Ecovelo Pony
Site https://ecovelo.com/ https://getapony.com/fr
Date de création 2017 2017
Nationalité française française
Territoires ~ 30 ~ 20
Cible ? au moins 50 000 habitants
Flotte ? > 10 000
Vélos mécaniques Non Oui
Vélos à assistance électrique Oui Oui, biplaces
Retrait des vélos Application mobile Application mobile
Stations Oui (3 types) Non
Génie civil Oui (pour les stations standards) Non
Méthode de recharge En station ou par intervention d’échange de batterie ?
Vélos
Poids (kg) 25,7
Origine conçus et assemblés par Arcade, constructeur français conçus par Pony, fabriqués en Asie (Taïwan?)
Vitesses 3
Moteur Moyeu roue avant Moyeu roue avant

Infrastructure

Ecovélo

Ecovélo propose trois types de stations :

  • station recharge : station standard permettant de fixer et recharger les vélos
  • station passive : station sans recharge (et donc de raccordement à l’électricité) permettant de fixer les vélos mais pas de les recharger les vélos
  • station évènementielle : sans borne d’amarrage, déplaçable

Des stations sans génie civil peuvent être déplacées pour s’adapter à des évènements, ou déterminer le meilleur emplacement.
Il ne semble cependant pas possible d’ouvrir une nouvelle ville sans aucune station recharge.

Pony

Pony n’a pas de stations. Les vélos sont déposés dans une zone dédiée puis pris en photo par l’utilisateur.

Modèles économiques

Ecovélo

Ecovélo s’appuie parfois sur des partenaires locaux :

  • vélociste (eg Les Sables-d’Olonne)
  • agent de collectivité territoriale (eg Auch)

Le travail des partenaires consiste à :

  • répartir les vélos pour éviter l’accumulation dans quelques stations
  • changer les batteries pour les vélos garés dans des stations sans recharge

En première lecture, Ecovélo semble avoir conçu un modèle adapté aux petites villes :

  • partenariats locaux pour la maintenance
  • disponibilité de stations avec pas ou peu de génie civil, ce qui permet de tester un marché

Le site https://ecovelo.com/references/ montre des catégories de villes de moins de 10 000 habitants, mais les références mentionnées concernent des petites villes faisant partie de grosses agglomérations (Cherbourg, Nîmes).

Pony

Pony mentionne que son modèle économique n’est pas adapté aux villes de moins de 50 000 habitants. Ses références sont principalement des villes de plus de 100 000 habitants.
Pony propose aussi une solution originale de financement. Un particulier peut acheter un vélo et le mettre à disposition à la location, Pony reverse 35 % du prix du trajet.

Vélos

Aucun vélo en libre-service n’est réellement puissant, cependant avec un poids inférieur et 3 vitesses, l’Ecovélo semble légèrement plus adapté aux terrains vallonnés.
Attention : Les modèles d’Ecovélo changent d’un territoire à l’autre en fonction de l’évolution de la gamme d’Arcade. Pony a une flotte plus homogène.

La possibilité de transporter un passager est une caractéristique intéressante des vélos. Pony dit vouloir rapatrier la production de ses vélos en Europe.

Retours d’expérience

Marseillan présente des caractéristiques plutôt favorables au vélo-libre service : 8 000 habitants, 52 km² , 156 hab/km², 30 km de pistes cyclables, une gare, ville touristique proche de Sète.
Marseillan a essayé le service Ecovelo 6 mois en 2020 (https://www.lagathois.fr/articles/20742/les-ecovelos-en-libre-service-sont-de-retour-a-marseillan) et 6 mois en 2021 ? (https://www.herault-tribune.com/articles/marseillan-les-ecovelo-sont-de-retour-des-le-vendredi-5-mars/) mais semble l’avoir abandonné.


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